De la question des idées en ostéopathie

J'ai trouvé un nouveau modèle diagnostique, regarde !

Comment faire naître des nouvelles pistes de recherche en ostéopathie? Derrière cette question, il y a la thématique des idées en ostéopathie et d'une manière plus générale, l'émergence des idées en sciences.

Une idée n'émerge pas du néant, elle se nourrit des lectures, des vidéos, des cours suivis mais aussi des échanges entre professionnels. Elle se nourrit aussi des lieux où travaillent les chercheurs.

Plus on échange, plus on voit de choses, plus on favorise l'émergence des idées. Celle-ci surviennent non pas en s'acharnant à la tache (non, pas uniquement) mais parfois après un temps de repos qui aura permit aux différents éléments de s'organiser .

Donc en soi, il s'agit de s'employer à utiliser ce qu'on appelle l'intelligence collective. On est moins bête à plusieurs que tout seul. Il s'agit de développer notre "culture" ostéopathique et notamment par des lieux d'échanges virtuels ou réels.

En dehors d'événements ponctuels comme les conférences, les congrès ou les formations, comment faire circuler les idées entre écoles et de manière plus générales entre les ostéopathes qui font de la recherche (ou non)? Car si l'échange peut être intéressant et intense pendant ces quelques jours, le reste de l'année, cela reste (trop) limité.

Online:

Les publications, c'est un moyen de faire circuler les idées, mais vu le nombre du publications en ostéopathie, ce moyen reste encore timide. Par exemple, la revue de l'ostéopathie vient de sortir son n°14 après un an relativement calme niveau publications et hormis "Chiropratic & Manual Therapy", peu d'open access (pour le JAOA, il faut patienter avant la mise en accès libre).

Alors certes, il existe des forums ici ou là. Ils sont plus ou moins actifs, et les conversations sont instructives mais finalement, il y a une présence limitée des acteurs de la recherche en ostéopathie (à tord, probablement).

Il y a aussi sur twitter et facebook quelques chercheurs que l'on peut suivre comme par exemple, Jorge Esteves, (@JEsteves_osteo), Bruno Bordoni, ou dans les sciences, En direct du labo (@endirectdulabo) et qui acceptent en général volontiers d'échanger.

Pourtant, de nombreuses plateformes offrent des opportunités d'échanges intéressantes comme Researchgate, Academia, ou Loop. L'avantage de ces réseaux sociaux est qu'ils sont dédiés aux scientifiques et permettent d'obtenir plus aisément des publications qui ne sont pas en libre accès. Researchgate permet de créer des groupes fermés pour échanger sur une thématique ou poser des questions ouvertes auprès des chercheurs de différents champs de recherche. Cependant, ce dernier a un frein de taille pour les chercheurs indépendants, l'accès complet au site ne se fait que par une inscription avec une adresse mail officielle d'un institut de formation ou d'une université. Il y a actuellement peu d'écoles françaises présentes sur ces plateformes donc peu de possibilités d'échanges.

Offline:

Ok pour internet et en dehors de la matrice quoi de neuf? Effectivement, il y a quelques associations françaises de chercheurs en ostéopathie:

• l'APERO (Association Pour l'Enseignement et la Recherche en Ostéopathie)
• la SEROPP (Société Européenne en Ostéopathie Périnatale & Pédiatrique)
• Et surement quelques autres mais dont la visibilité est trop limitée.

NB: Certaines écoles ont leur propre laboratoire de recherche mais leurs résultats sont assez peu visibles pour ceux qui n'en font pas partis ou qui n'assistent pas à leur congrès.

À ça, il faut ajouter l'Académie d'Ostéopathie qui renait peu à peu mais qui est loin d'être une structure comme l'institut Poincaré ou le Collège de France. Cette structure est probablement la plus intéressante car plutôt que de créer sans cesse de nouvelles associations, il pourrait être plus pratique de réinvestir cette académie et d'y fédérer les bonnes volontés.

Un point à noter quand on se penche sur les structures existantes dans d'autres domaines, c'est l'existence de lieux dont le but est de se faire rencontrer les chercheurs entre eux, à la manière d'un co-working ou de repas dont les places sont volontairement attribuées par les organisateurs pour que des échanges inattendus puissent se faire. Sans compter des systèmes de mentorat par des chercheurs confirmés qui viennent apporter leur savoir à de jeunes chercheurs en herbe.

Il y a aussi un manque de présence et de communication des personnes travaillant dans le domaine, on sait assez peu quand des articles intéressants sortent et quand enfin, ils sont repris dans la presse, malheureusement, cela n'est pas toujours très bien traité (voir ici).

Au final:

En fait, globalement la recherche en ostéopathie manque d'unité à l'image de la profession mais pas forcément par désaccord mais plus par manque d'une volonté centrale ou d'informations sur les possibilités d'échanges disponibles aujourd'hui. L'échange permettraient de faire émerger plus d'idées pour ensuite, les tester. Pas besoin forcément de créer de nouveaux outils, ils sont là, d'autres avant nous les ont déjà mis au point.

Je vous laisse avec la vidéo de la conférence "Comment faire naître une idée" de Cédric Villani, mathématicien médaillé Fields 2010 et directeur de l'Institut Henri Poincaré.

Conférence de Cédric Villani, Médaillé Fields, Directeur de l'Institut Henri Poincaré, Pour faire naître une idée,

Sources:

• Garnier P, C'est quoi l'intelligence collective?, Philosophie magazine, 2015, 92: 60-61!;
• Frenkel E, Amour et maths, 2015, Paris: Flammarion, 364 pages,
• Morin E, La nature des idées, Sciences Humaines, 1998, HS21: 6-10.
• Mouret JN, Darwin, 2014, Paris: Gallimard, 400 pages,
• Thom R, Prédire n'est pas expliquer, 1999, Paris: Flammarion, 175 pages.
• Villani C, Théorème Vivant, 2013, Paris: Livre de poche, 312 pages,
• Villani C, Uzan JP, Moncorge V, La maison des mathématiques, 2014, Paris: Le cherche-midi, 144 pages.