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Approche scientifique de l'ostéopathie
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Variabilités de forme du sacrum

Variabilités de forme du sacrum

Pour ce premier article sur le sacrum, je m’appuie essentiellement sur une partie de la revue de littérature que j’ai faite sur le sujet, qui a été publiée dans la revue de l’ostéopathie et dont une partie a fait l’objet d’un poster disponible ici. Je le complète également d’une partie du travail que j’avais fait pour mon mémoire de fin d’étude mais qui n’avait pas été incluse dans l’article.

Il s’agit d’un os assez variable dans sa forme et dans son rapport aux structures adjacentes. Il existe une classification de Radlauer datant de 1908 reprise et complétée en 1925 par Speransky. On peut la compléter avec la classification des types de rachis de Delmas. Il en existe 3 grandes familles (cf figure1).

Variabilités de forme du sacrum

Figure 1. Les sacrums selon Speransky. Le sacrum a. est hypo­basal, les bras de son articulation sacro-iliaque se coupent selon un angle entre 110° et 150°. Le sacrum b. est homobasal et l’arti­culation sacro-iliaque forme un angle entre 90° et 100°. Enfin, le sacrum c. est hyperbasal et son articulation sacro-iliaque forme un angle entre 80° et 90°.

 

  • Le sacrum Hypobasal : Il s’agit d’un sacrum long plat, dont la ligne innominée du bassin se termine dans la moitié inférieure du corps de la première vertèbre sacrée (S1). Ses angles inféro-latéraux sont anguleux et prononcés. Il serait associé à un rachis aux courbes diminuées.
  • Le sacrum Homobasal : Il s’agit d’un sacrum court et courbé, dont la ligne innominée du bassin se termine dans le prolongement de la ligne qui coupe en deux le corps de la première vertèbre sacrée (S1). Ses angles inféro-latéraux sont mousses et effilés. Il serait associé à un rachis aux courbes moyennes.
  • Le sacrum Hyperbasal : Il s’agit d’un sacrum court et courbé, dont la ligne innominée du bassin se termine dans la moitié supérieure du corps de la première vertèbre sacrée (S1). Ses angles inféro-latéraux sont mousses et effilés. Il serait associé à un rachis aux courbes accentuées.

 

En retravaillant les données brutes de l’article de Speransky, on peut néanmoins voir une chose. Il semblerait que les angles sacro-iliaques retenus pour les sacrums hyperbasaux et homobasaux ne soient pas statistiquement différents (Kruskal-Wallis ANOVA on Ranks complété avec une méthode de Dunn). Au vu de la forme relativement similaire, on pourrait probablement simplifier la classification en supprimant cette catégorie (Figure 2). À noter que Speransky opérait un distingo entre un type hypobasal moyen et un type hypobasal accentué, mais la même opération statistique menée sur les résultats ne montrait pas de différence significative, c'est pourquoi je n'en parlerai pas ici.

 

Variabilités de forme du sacrum

Figure 2. Répartition des angles sacro-iliaques en fonction du type de sacrum d'après les données de l'article de Speransky. Chaque point représente la mesure pour un sacrum. On peut constater que l’angle moyen pour un sacrum hyperbasal se situe entre 80° et 90°, et que pour un sacrum hypobasal, il se situe entre 110° et 140°.

 

Néanmoins, pour ne pas embrouiller, nous garderons la classification complète de Speransky.

Ces constations cliniques anciennes recoupent des travaux plus récents (2010-2011) de Mahato sur le sujet. On peut voir que la surface auriculaire du sacrum peut être portée différemment par 2,5 segments vertébraux sur la zone allant de L5 à S3. Ce segment n’est pas sans rappeler le « sacrum essentiel » de Broca. Le fait que certains patients portent ce segment sur la partie haute du sacrum (hyperbasal) ou sur la partie basse (hypobasal) n’est pas encore expliqué. Pour les ouvrages anciens, il semblerait qu’une hypothèse mécanique entrainant un enfoncement des corps entre les ailes du sacrum soit retenue. Pour autant, rien dans la littérature actuelle ne permet d’exclure que cette forme soit déjà là à la naissance.

Dans le cas de l’anomalie transitionnelle, d’après Speransky, si on a une forme extrême d’hypobasalité, le stade suivant est la lombalisation de S1. A l’inverse, le stade suivant de l’hyperbasalité extrême est la sacralisation de L5. En fait, si on considère que le type homobasal est la forme intermédiaire de sacrum, alors le spectre de la variabilité de forme pourrait être représenté comme sur la Figure 3.

 

Variabilités de forme du sacrum

 

Figure 3. Spectre des variations de formes du sacrum selon la classification de Speransky.

La forme la plus présente dans la population n’a pas fait l’objet pour le moment d’une étude sérieuse et publiée, on ne peut donc pas savoir quel est le cas général et quelles sont les exceptions. Cependant, quelques valeurs chiffrées peuvent permettre d’avancer des pistes de réflexion.

Klein et Sommerfield dans leur livre sur la biomécanique des membres inférieurs nous rapportent que l’angle moyen formé par les deux bras sacro-iliaques est de 110° ± 11°. Nous nous trouvons donc à priori plutôt proches d’une valeur entre le sacrum homobasal et le sacrum hypobasal. Néanmoins seule la médiane permettrait d’être sûr.

Le travail de Yeryomin et Luzin basé sur l'analyse mathématique (Modèle en élément fini de Gauss) de modèles en 3D des trois sacrums précedemment cité (hyper, homo, hypobasal) a montré que les trois formes entrainaient une répartition des contraintes différentes sur la charnière L5-S1. Ainsi la forme homobasale est celle qui répartit le mieux les contraintes entre le corps vertébral de L5, le disque L5-S1 et le sacrum. La forme hyperbasale concentre les contraintes sur la partie antérieure du modèle, et la forme hypobasale augmente les contraintes sur la partie inférieure de la vertèbre lombaire.

Il existe aussi une variabilité liée au sexe du patient. Le travail de Plochocki (2011) montre que le sacrum masculin est courbé quand celui de la femme semble plutôt plat. Ce résultat recoupe une des publications de Mahato qui montre qu’il y a une fréquence plus élevée de sacralisation chez les femmes et inversement, plus de lombalisation chez les hommes. Il est donc possible qu’il soit plus fréquent de trouver un sacrum hyperbasal chez l’homme, et hypobasal chez la femme sans pour autant que ceux-ci ne soient propres au sexe du patient.

L’index sacré, mesure anthropologique, permettant de mettre en évidence la forme générale du sacrum, est aussi un critère variable selon le sexe des individus mais aussi de la population dont le patient est issue. Il est défini par la relation suivante :

Variabilités de forme du sacrum

Si l’index sacré est inférieur à 100, le sacrum est plus long que large, on dit qu’il est dolichohiérique. Entre 100 et 106, on dit qu’il est subplatyhiérique, c’est à dire un peu plus large que haut. Au-delà de 106, il est platyhiérique, plus large que haut.

La femme a un sacrum plus large que haut, platyhiérique ou subplatyhiérique tandis que pour les hommes, ils sont subpatyhiériques ou dolichohiériques respectivement.

Les mesures effectuées dans différentes régions du monde trouvent des différences sur les échantillons étudiés. Les hommes européens, blancs américains et afro-amé­ricains ont un sacrum subplatyhiérique tandis que les femmes des mêmes origines ont un sacrum platyhiérique. En revanche, les hommes d’origine indienne ont un sacrum dolichohiérique, et les femmes d’origine indienne ont un sacrum subplatyhiérique.

 

Il existe aussi l’indice corpo-basal défini par la relation suivante :

 

Variabilités de forme du sacrum

Il abonde dans le même sens que l’indice précédent et montre que proportionnellement, la femme a un corps de S1 plus petit par rapport à la largeur du sacrum au niveau de ses ailes. Cela est probablement dû au fait que le bassin féminin est plus large dans sa forme que celui des hommes. Ces deux mesures proviennent de l'ouvrage de White et al. et d'un article de Mazumdar et al.

 

L’ensemble des mesures à effectuer pour calculer ces indices est résumé dans la figure 4.

Variabilités de forme du sacrum

Figure 4. Mesures permettant de mesurer l'index sacré et l'index corpo-basal.

 

Enfin, il existe une dernière variabilité de forme, c’est l’asymétrie droite/gauche.

Une étude menée en 2002 par Plochocki a montré que cette asymétrie des ailes sacrées ne varie pas en fonction du sexe ou de la population dont est issue le patient. Cette asymétrie est appelée bilatérale directionnelle. Cela signifie que la majorité de la popu­lation possède un sacrum avec une aile sacrée plus déve­loppée du côté gauche. Une explication possible de cette asymétrie est une majoration de l’appui sur l’articulation sacro-iliaque gauche. Elle pourrait être due à la latéralité de la population qui est majoritairement droitière. Il existe malheureusement peu d’études sur le sujet.

À noter que dans un ancien ouvrage de Le Double datant 1912 compilant l’ensemble des données existantes de l’époque sur les variations anatomiques, l’asymétrie semblait porter plus généralement sur les trois derniers segments sacrés.

Bibliographie :
  • Broca P, Sur la constitution des vertèbres caudales chez les primates sans queue. Bulletin de la Société d’Anthropologie de Paris. 1871. IIe série, tome 6 :225-232.
  • Radlauer C, Beiträge zur Anthropologie des Kreuzbeines. Gegenbaurs morpholgisches jahburg. 1908 ; 38 : 322-447.
  • Le Double A-F, Traité des variations de la colonne vertébrale de l’homme et de leur signification au point de vue de l’Anthropologie Zoologique. Paris : Vigot Frères ; 1912. 543 p.
  • Speransky AD, L’os sacré de l’homme. Sa forme, sa fonction, hérédité des caractères acquis. Bulletins et mémoires de la Société d’Anthropologie de Paris. 1925 ; 6 (1-3) : 30-78.
  • Delmas A, Attitude érigée et types rachidiens de statique corporelle. Biométrie Humaine et Antrhopologie. 1999 ; 17 (1-2) : 5-18.
  • Klein P, Sommerfeld P, Biomécanique des membres inférieurs, 1ère édition, Gregg Colin, Elsevier, 2008, 439 pages.
  • Mahato NK, Trabecular architecture in human sacra : patterns observed in complete sacralisation  and accessory articulation with the fifth lumbar vertebrae. Journal of Morphological Science. 2010; 27 (1): 19-22.
  • Mahato NK, Variable positions of the sacral auricular surface: classification and importance. Neurosurger Focus. 2010; 28 (3): 1-7.
  • Mahato NK, Relationship of sacral articular surfaces and gender with occurrence of  lumbosacral transitional vertebrae. Spine. 2011; 11(10): 961-965.
  • Plochoki JH, Sexual dimorphism of anterior sacral. Journal of forensic science. 2011; 56 (1): 161-164.
  • Yeryomin A, Luzin V, Functional significance of sacrum morphotype, Anatomy, 2011; 5 Suppl: S1-S171. (Abstracts for the Joint Meeting of Anatomical Societies, 19-22 May 2011, Bursa, Turkey)
  • Mazumdar S, Ray A, Mazumdar A, Majumdar S, Sinha A, Vasisht S, Sexual Dimorphism and Regional Difference in Size of sacrum: A study in eastern India. Al Ameen J Med Sci. 2012; 5(3): 298-307.
  • White TD, Black MT, Folkens PA, Human Osteology. 3rd Edition, Oxford: Elsevier; 2012, 662p.
  • Marc L, Matthew T,  Variations de forme du sacrum : implications en clinique et en recherche, la revue de l’ostéopathie, 2013, 1-3 : 5-10.

 

Images copyright Laurent MARC ©

 

Article édité le 10/11/13: Ajout d'un paragraphe sur le travail de Yeryomin et Luzin, 2011.